Chapons, poulardes et poulets, les volailles de Bresse glorifiées

Publié le 07 mars 2019

La Bresse est une petite région naturelle de 4000 km² à cheval sur 3 départements, l’Ain, la Saône et Loire et le Jura. Elle est délimitée à l’ouest par la Saône...

On vous parle de fête au mois de décembre, vous pensez instinctivement à Noël sauf si vous êtes bressan. Tous les ans à cette époque, la Bresse célèbre l’un de ses fleurons gastronomiques : ses volailles. Mais qu’a-t-il de particulier, cet oiseau au nom si commun de poulet pour lui consacrer chaque année à cette époque 4 jours de fête, 4 jours d’hommage en 4 lieux différents, les fameuses Glorieuses de Bresse ?

Pour commencer, un peu de géographie pour situer la Bresse

La Bresse est une petite région naturelle de 4000 km² à cheval sur 3 départements, l’Ain, la Saône et Loire et le Jura. Elle est délimitée à l’ouest par la Saône, au Nord par le Doubs, à l’Est par les mont du Jura et au sud par la Dombe. C’est un pays de bocage où les haies bordent les prairies sur un sol humide, imperméable, pauvre en calcaire qui permet de produire une volaille au squelette si fin. Les villes principales sont Bourg en Bresse et Louhans.

La reconnaissance d’un travail de qualité à la fois ancien et récent

Si la pratique de l’élevage de la volaille est déjà attestée au Moyen-Âge dans la région, sa renommée est plus récente et date du 19ème siècle. Grimod de la Reynière cite le chapon de Bresse dans son célèbre almanach et le présente comme challenger face aux villes du Mans et de la Flèche qui se disputaient la suprématie en matière volaille. En 1862 eurent lieu les premiers concours de volailles qui permirent l’amélioration de la race. Ces concours prirent rapidement le nom de Glorieuses. Dès 1957, l’appellation d’origine contrôlée « volaille de Bresse » vient couronner à la fois les spécificités liées à ce terroir et les pratiques d’élevage qu’ont su en tirer ses habitants pour obtenir un produit aux qualités gustatives unanimement reconnues. Elle reste à ce jour la seule volaille bénéficiant de ce label.

Volaille de Bresse : une production ritualisée

L’élaboration d’une volaille de Bresse fait l’objet d’un cérémonial qui doit être scrupuleusement respecté pour faire d’un banal oiseau un véritable objet sanctuarisé capable d’illuminer les tables de fête. Derrière le vocable « volaille de Bresse » se cachent poulets, poulardes et incontestablement, le roi de la fête, le chapon de Bresse.

*Au début c’était une race…*

Volaille du genre gallus, de race gauloise ou bresse, variété blanche. Elle se distingue par un plumage entièrement blanc, des pattes fines bleutées à 4 doigts, une peau fine et une chair blanche.

*… que l’homme a su acclimater à un terroir*

Les poussins arrivent à la ferme à un jour, sont placés pendant 5 semaines dans une éleveuse artificielle à température de 20 à 25°C et nourris avec des aliments composés spécifiques. C’est la phase de démarrage.

Les jeunes poulets sont ensuite libérés et ont accès à un parcours herbeux (10m² minimum par bête). Ils se nourrissent de verdure, de petits animaux qu’ils trouvent dans les haies (insectes, vers, mollusques) ainsi qu’un mélange de céréales provenant de l’exploitation (ou en tout cas de la région) mélangées à du lait en poudre. Ce régime très particulier, conjonction du terroir et du travail de l’éleveur contribue au goût unique de la viande.

Durant cette période, l’éleveur sélectionnera les bêtes qui seront castrées pour en faire des chapons. La castration ou chaponnage a lieu entre 8 semaines et 4 mois et se traduit par l’ablation des testicules qui stoppe la sécrétion des hormones mâles avec pour conséquence l’arrêt du développement de la crête et du chant. Mais surtout la castration va entraîner un développement des graisses à l’intérieur même des muscles, ce qui donnera une viande moelleuse, goûteuse et une chair plus fine.

Au bout de ces 23 semaines de ce régime de semi liberté, les chapons sont bagués et transférés dans un local sombre et calme, dans des cages, les épinettes, pour l’étape de finition dont l’objectif est d’engraisser l’animal. Étape ultime de 4 semaines, cruciale, et qui dépend de l’éleveur.

Ils sont nourris à heures fixes 2 fois par jour avec une pâtée à base de céréales et de lait. Ce régime va leur permettre de développer une chair persillée de graisse qui va conférer tout le moelleux à la viande. C’est une étape critique qui, si elle est mal menée, peut conduire à l’anorexie de l’animal.

L’abattage, qui survient au bout de 224 jours minimum de soins attentifs, est réalisé de manière à respecter les formes et l’intégrité de l’animal, il constitue une étape à part entière dans la construction de cet objet où la perfection est recherchée même dans la mort. L’animal est saigné manuellement, la plumaison s’effectue à sec ou avec de l’eau à 58°C maximum, ceci requiert beaucoup de soin et de délicatesse car peau et squelette sont très fins et très fragiles. Un animal présentant des défauts sera déclassé.

À la gloire de la beauté jusque dans la mort…

Pas question de découper le chapon comme un vulgaire poulet de batterie vendu en morceaux. Bien au contraire, il s’agit de lui apporter un dernier hommage : le roulage, véritable travail de sculpture qui consiste pour l’éleveur en la sublimation ultime des formes qui se sont développées tout au long de ce travail patient d’élevage. Pattes et ailes sont collés au corps, le tout est enveloppé dans un linge de toile végétale cousu de manière à l’emmailloter complètement à l’exception du cou. On tire sur les fils de couture pour enserrer le corps et permettre une bonne répartition des graisses autour de l’animal et une expulsion de l’air. Elles restent ainsi momifiées pendant 48 heures.

La suprême récompense

Les éleveurs espèrent retirer la consécration ultime de ce travail d’orfèvre en participant aux Glorieuses, 4 concours sur 4 journées en 4 lieux, à Louhans, Bourg, Montrevel et Pont de Vaux. Le matin du concours, les éleveurs sélectionnent les plus beaux spécimens. Les volailles sont démaillotées et alignées sur des tables recouvertes de nappes, le corps posé sur un petit coussin, exposé à l’œil expert du jury qui ne laissera rien passer. Les canons pour ces rois de beauté résident dans une belle forme oblongue, caractéristique d’un ballon de rugby avec une répartition harmonieuse de la graisse, une couleur très claire et blanche, un grain de peau très fin. Une trace de sang, une griffure sur la peau sont autant de défauts rédhibitoires pour prétendre à la distinction suprême et pour les concours par lots, toutes les volailles du lot doivent être homogènes.

Acheter une volaille de Bresse

Vous l’avez compris, autant de soins, autant de temps ont un prix, pas question d’acheter un chapon de Bresse au prix d’un poulet même fermier. Il joue dans la catégorie « produits de luxe « et doit être considéré comme tel.

Attention, une volaille produite en Bresse n’est pas forcément une volaille de Bresse. Pour être vendue sous l’appellation volaille de Bresse, elle doit porter simultanément les caractères d’identification suivants :

– la bague aux nom, prénom et adresse du producteur, apposée à la patte gauche de la volaille,

– le scellé tricolore apposé à la base du cou aux nom et prénom ou raison sociale de l’expéditeur ayant préparé la volaille,

– le sceau d’identification pour les Chapons

– l’étiquette comportant le logo AOP (Appellation d’Origine Protégée)

Volaille de Bresse : À vous de lui rendre hommage !

La faire rôtir très simplement, éventuellement en l’ayant farcie au préalable, l’arroser très régulièrement de son jus tout au long de sa cuisson, permet d’éviter à la graisse de s’échapper et à la viande de conserver tout son moelleux et sa finesse qui raviront tous les convives. Bon appétit et bonnes fêtes !

Michèle SALORD

Conseillère en nutrition, alimentation et éducation au goût.

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