E. Coli, Dr Jekyll ou Mr Hyde ?

Publié le 07 mars 2019

E. Coli est un hôte naturel de notre tube digestif au même titre que les quelques 1000 autres espèces de bactéries qui colonisent notre tube digestif dès la naissance ...

Elle a tristement fait la une des journaux ces dernières semaines, allant jusqu’à semer la panique dans les foyers, reléguant au ban concombres, tomates, salades, graines germées et autres steaks hachés. Elle, c’est Escherichia Coli, une bactérie qui vit à l’état normal dans notre tube digestif et qui est le plus souvent tout à fait inoffensive, mais qui peut parfois devenir meurtrière. Alors pourquoi cette double personnalité ? Devons-nous vraiment être inquiets ?

E. Coli, une bactérie très largement bénéfique

E. Coli est un hôte naturel de notre tube digestif au même titre que les quelques 1000 autres espèces de bactéries qui colonisent notre tube digestif dès la naissance et qui constituent notre microbiote (flore intestinale).

Ce microbiote joue un rôle fondamental sur notre santé : il contribue d’une part au développement du tube digestif et du système immunitaire, il participe d’autre part à la fermentation de fibres végétales indigestibles et à la synthèse de certaines vitamines. Enfin, il assure une barrière protectrice contre la colonisation du tube digestif par des microorganismes pathogènes.

Parallèlement, E. Coli est une vraie bête de laboratoire, sa multiplication rapide et les connaissances accumulées sur son génome et son métabolisme en font un matériel de choix pour les chercheurs de nombreuses disciplines.

Mais quelques souches pathogènes

Sa vitesse de reproduction et la plasticité de son génome ont favorisé, grâce à des échanges génétiques, l’apparition de nouvelles souches d’E. Coli qui elles sont pathogènes. C’est ainsi que l’on parle de la souche O157:H7 dans la contamination par les steaks hachés et de O154:H4 pour celles des graines germées. Mais seules 5% des souches sont pathogènes.

Mais attention, pathogène ne veut pas dire que le sujet contaminé sera malade à tous les coups. Le pouvoir pathogène de E. Coli va être fonction de l’état des défenses immunitaires de l’hôte. Chez l’enfant, les personnes âgés et les malades, le système immunitaire n’est pas encore ou n’est plus en capacité de lutter efficacement contre l’invasion bactérienne.

Comment se réalise la contamination ?

Elle se fait soit par l’ingestion d’aliments contaminés consommés crus ou peu cuits : viande de bœuf (en particulier hâchée), lait ou produits laitiers non pasteurisés, jus de pomme, légumes crus, soit en portant ses mains souillées à la bouche, après avoir touché des animaux porteurs de la bactérie ou leur environnement contaminé, soit par contact avec une personne malade.

Le risque 0 n’existe pas.

Tous les acteurs de la chaîne alimentaire (de l’agriculteur au distributeur en passant par les industriels) sont soumis à une réglementation européenne drastique qui leur impose de prouver qu’ils maitrisent en tout point de fabrication, l’hygiène des denrées alimentaires (règlement CE n° 852/2004) visant ainsi à assurer une sécurité alimentaire optimale. Pour y arriver, les entreprises doivent mettre en place la méthode HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point) qui consiste à prévoir les dangers susceptibles d’intervenir aux différentes phases du process et à mettre en place tous les moyens nécessaires pour les éviter. Dans ce cadre, des contrôles microbiologiques sont réalisés d’une part par les entreprises elles-mêmes, par les services de l’Etat d’autre part.

Malgré ces contrôles draconiens, on n’est jamais à l’abri d’une erreur, l’erreur est humaine et le risque 0 n’existe pas. Arrêtons-nous de prendre la voiture sous prétexte qu’il existe un risque d’accident ? Il nous faut également raison retrouver face à notre alimentation et les risques encourus. Au lieu de supprimer purement et simplement les aliments incriminés et d’accorder une confiance aveugle aux industriels et à la distribution, adoptons une attitude responsable et contribuons nous-mêmes à limiter les risques de contamination par des gestes simples que trop souvent nous omettons.

Des gestes simples pour éviter le pire

*Hygiène et propreté, le credo de notre cuisine (autre formule)*

Les bactéries apprécient tout particulièrement nos plans de travail, nos mains, nos ustensiles de cuisine et nos aliments qui leurs offrent de bonnes conditions de dissémination et de contaminations croisées. Pour les éliminer, un lavage rigoureux s’impose :

Élémentaire, me direz-vous ! Pas besoin d’être un expert pour dire cela. Et pourtant… Avec un arsenal antibiotique, qui permettait jusqu’à peu de lutter contre les infections bactériennes, l’hygiène préventive s’est un peu estompée. Se laver les mains avant de préparer le repas, avant de passer à table est pourtant un geste facile et qui permet à peu de frais de lutter contre les transmissions humaines des microorganismes. N’hésitez pas à relaver les mains plusieurs fois au cours de la préparation du repas chaque fois que vous manipulez d’autres aliments.

Lavez également très soigneusement les fruits et les légumes, à plusieurs reprises,  surtout si vous les consommez crus et même si vous les faites cuire par la suite, mais ne les laissez pas tremper, vous vous priveriez d’une partie des vitamines et des sels minéraux qui sont solubles dans l’eau.

Enfin, nettoyez bien le matériel que vous utilisez, couteau, planche à découper, etc. avec des produits adaptés  et renouvelez le lavage entre deux utilisations.

*Des températures critiques à respecter*

À température ambiante, les bactéries se reproduisent très rapidement, alors que leur multiplication est ralentie ou stoppée à moins de 5°C et  à plus de 60°C.

Lorsque vous faites vos courses, respectez bien la chaîne du froid, limitez le temps des courses et dès que vous rentrez chez vous, mettez les denrées périssables au réfrigérateur.

Lorsque vous avez des restes, mettez-les dès la fin du repas, quand ils sont encore chauds dans une boite alimentaire hermétique et rangez-la au frigo.

Pour les produits surgelés, respectez les consignes de décongélation spécifiées sur l’emballage, mais ne laissez jamais décongeler les aliments à température ambiante.

*Des conditions particulières pour des publics à risque*

En règle générale, notre organisme est capable de lutter efficacement contre une invasion bactérienne, mais chez les très jeunes enfants, les personnes âges et les malades, le système immunitaire n’est pas à même d’assurer une défense optimale de l’organisme et une très faible quantité de bactéries peut provoquer un drame.

Si vous êtes amenés à préparer des repas pour ces publics, faites bien cuire les aliments, en particulier la viande, le poisson et les œufs. Une cuisson à cœur (70°C) permet d’éliminer la majeure partie des microorganismes pathogènes.

*Et pour les inconditionnels du steak haché*

Achetez le steak haché chez votre boucher préféré, il a l’obligation de le hacher devant vous et vous pourrez influer sur la qualité des morceaux qu’il vous donne. Le circuit de fabrication étant très court, le risque de contamination diminue. En effet, les industriels mélangent dans un même lot des carcasses de provenances différentes et il suffit d’une carcasse infectée pour contaminer l’ensemble du lot. Mais n’oubliez pas de le mettre au frigo et de le consommer dans la journée.

« Faites cuire les steaks hachés surgelés à point », c’est ce qu’on peut lire dans les recommandations officielles ! Certes on supprime tout risque, mais on supprime aussi tout plaisir gustatif. C’est bien pratique d’avoir au congélateur un peu de viande hachée, mais dans ce cas, optez pour des recettes qui tolèrent une cuisson à point comme une sauce bolognaise ou des boulettes de viande maison.

En résumé, dans la nature comme dans la vie, rien n’est tout blanc, rien n’est tout noir et une bactérie inoffensive peut dans certaines conditions devenir pathogène. Mais ne cédons pas à la panique, soyons des consommateurs responsables, essayons de nous faire une idée par nous mêmes des risques encourus, agissons à notre niveau de manière préventive et enfin, adoptons des comportements adaptés à notre état physiologique ou celui de nos proches.

Michèle SALORD, Conseillère en nutrition, alimentation et éducation au goût.

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