Foie gras et autre histoire de gavage

Publié le 07 mars 2019

L’étymologie même du mot foie donne quelques indices de l’histoire du foie gras. Dans l’Antiquité, les Egyptiens gavaient déjà les oies, mais les Romains...

Le foie gras constitue un mets de choix pour les repas de fêtes, tout particulièrement les fêtes de fin d’année pour lesquelles des linéaires spécifiques fleurissent dans les grandes surfaces en vue de le mettre à l’honneur. L’enjeu est de taille car la France produit environ 83% de la production mondiale de foies gras crus (20000 tonnes), loin devant la Hongrie (2600 tonnes), assure 98% de la transformation et 90% de la consommation (source PMAF / Protection Mondiale des Animaux de Ferme).

L’étymologie même du mot foie donne quelques indices de l’histoire du foie gras. Dans l’Antiquité, les Égyptiens gavaient déjà les oies, mais les Romains améliorent la qualité des foies en nourrissant les oies avec des figues. Cette pratique a donné le nom de  « jecur ficatum » au foie gras, ce qui littéralement signifie le foie obtenu avec des figues. Peu à peu, le mot jecur a disparu et seul le mot ficatum (figues) est resté, se transformant peu à peu en figido, feie, puis foie.

Le gavage, un processus pas si naturel que ça !

Le foie gras provient exclusivement d’oie ou de canard gavé de façon à produire une hypertrophie cellulaire graisseuse du foie. Les animaux sont saignés complètement et au moment de leur éviscération, les foies doivent être reconnus propres à la consommation.

Les producteurs de foie gras exploitent une aptitude naturelle qu’ont certains oiseaux comme les canards et les oies à se suralimenter et à stocker dans leur foie sous forme de lipides, l’énergie dont ils auront besoin pour parcourir les milliers de kilomètres de leur voyage migratoire. Les bêtes sont nourries avec du maïs riche en amidon qui est dégradé en glucose au niveau de l’intestin. Le glucose est transporté vers le foie où il est transformé en graisses pour y être stockées. C’est le phénomène de stéatose hépatique, phénomène naturel, non pathologique et réversible si les animaux ne sont pas abattus.

Cependant, les associations de protection animale s’insurgent contre la pratique du gavage et de nombreux états à travers le monde interdisent le gavage, certains s’orientent même vers une interdiction de commercialisation.

Pourquoi cette levée de boucliers ?

Il faut dire que la filière, surtout si elle est industrielle, cumule les handicaps :

– Seuls les canetons mâles de la race « canard mulard » sont utilisés, le foie des femelles étant trop nervé. Les canetons femelles sont aux mieux utilisés pour la viande, mais sont souvent tués à la naissance par broyage.

Les conditions d’élevage sont très variables et on retrouve celles des volailles en général allant d’un élevage en plein air où les canards évoluent en parcours ombragé jusqu’à l’élevage en batterie où les animaux ne voient pas le jour.

– Mais c’est surtout l’étape de gavage qui est incriminée, apparaissant comme illégale au vu de plusieurs textes de lois communautaires et extra communautaires. Pendant cette période, soit une quinzaine de jours avant abattage, les canards sont hébergés le plus souvent en cages individuelles dans lesquelles ils ne peuvent se tenir debout, se retourner, étendre leurs ailes et sont nourris de force 2 fois par jour  par l’intermédiaire d’un tuyau, l’embuc qui descend dans l’estomac, entrainant lésions et souffrances. Cette étape ne dure que 2 à 3 secondes dans le cas d’élevages industriels et jusqu’à 1 minute pour les élevages qui procèdent au gavage manuel.

Or, la recommandation du Conseil de l’Europe du 22 juin 1999 interdit les cages individuelles à compter du 1er janvier 2011. De plus, la directive européenne sur la protection des animaux dans les élevages du 20 juillet 1998 précise « qu’aucun animal n’est alimenté ou abreuvé de telle sorte qu’il en résulte des souffrances ou des dommages inutiles ». Mais les producteurs se retranchent derrière l’exception culturelle française pour se soustraire à l’application des règles communautaires.

À chaque produit, ses spécificités !

Bloc, mousse, parfait, pâté, autant de dénominations de vente qui fleurissent sur les étiquettes montrant la créativité des producteurs, mais quelles en sont les conséquences pour le gastronome consommateur ?

Dénomination de vente (DV)

Composition

Observation

Conservation

Foie gras entier (canard ou oie) 100% foie gras assaisonnement Foie gras entier ou un ou plusieurs lobes Conserve : stérilisation à haute température 108°C, conservation de plusieurs années à température ambiante

Semi-conserve : pasteurisation à 85°C. Température de conservation, date limite de conservation figurent sur l’étiquette

Mi-cuit : traitement thermique à 65°C. Conservation au réfrigérateur à 4°C de 3 semaines à 2 mois 

Foie gras 100% foie gras assaisonnement Morceaux de lobes de foie gras agglomérés
Bloc de foie gras(avec morceaux) Foie gras et 10% d’eau maximum(contient 30% de morceaux) Foies gras malaxés, émulsionnés avec de l’eau puis reconstitués
Parfait de foie  75% foie gras minimum

Foie maigre et assaisonnement

La mention foie gras ne rentre plus dans la DV.
Médaillon ou pâté de foie 50% foie gras minimum

Farce et assaisonnement

Le foie gras est présenté en noyau entouré de la farce
Mousse de foie 50% foie gras minimum

Farce et assaisonnement

Texture caractéristique de la mousse
Préparations contenant plus de 20% de foie gras 20% minimum de foie gras

Farce et assaisonnement

Exemple : Pâté au foie d’oie ou de canard
Source : DGCCRF (Direction Générale du Commerce, de la consommation et de la répression des fraudes)/ décembre 2010 (décret du 9 août 1993 définissant les préparations à base de foie gras).

Foie gras et signes de qualité

Si le foie gras peut être transformé partout en France, l’Alsace et le Sud Ouest constituent les 2 régions de prédilection. Depuis l’an 2000, une indication géographique protégée (IGP) existe pour le « canard à foie gras du Sud Ouest », garantissant le respect d’un cahier des charges. Ne cherchez pas, vous ne trouverez pas de foie gras labellisé « bio ». Le gavage est une pratique interdite en agriculture biologique. Par contre, certains producteurs nourrissent leurs canards avec du maïs bio.

Devons-nous supprimer le foie gras des tables de fête ?

À chacun d’en décider en son âme et conscience ! Commençons déjà par être exigeant dans nos achats, privilégions les producteurs les plus respectueux du bien être animal, le mieux étant d’aller sur place (à l’occasion de vacances), de faire une visite guidée de l’exploitation, de poser des questions, de déguster les produits pour vérifier les qualités organoleptiques et de faire ses petites provisions. Peut-être aussi en manger moins souvent, accepter de payer plus cher un produit de qualité. En tous les cas, faire en sorte que le foie gras reste un produit d’exception à consommer lors de très grandes occasions. Certains proposent une alternative avec « du foie gras végétal », mais cela a-t-il encore quelque chose à voir avec le foie gras ? Pas forcément non plus une réussite en terme organoleptique. Autant s’en passer !

Enfin, le foie gras est-il vraiment indispensable pour que la fête soit réussie ? Le plaisir de se retrouver, la convivialité ne valent-elles pas tous les foies gras du monde !

Michèle SALORD

Conseillère en nutrition, alimentation et éducation au goût.

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