Publié le 28 juin 2019
Les normes sont partout, et même dans les assiettes et les rayons. 30% de la production de fruits et légumes termine à la poubelle. Halte à la standardisation des fruits et légumes et à la dictature du paraître dans les points de ventes. Pourquoi ? Comment ?
10 Millions : c’est le nombre de tonnes de nourriture consommable qui sont jetées chaque année en France. A titre individuel, chaque consommateur jette entre 20 et 30kg de déchets alimentaires consommables par an. Ces chiffres sont d’autant plus édifiants que la forme la plus absurde de ce gaspillage alimentaire relève de l’esthétique des fruits et légumes.
C’est à dire qu’approximativement 30% de la production totale des fruits et légumes finit (pour la plupart) à la poubelle parce qu’elle n’est pas à la hauteur des standards esthétiques imposés par les centrales d’achats. En bref, ils sont gâchés alors qu’ils sont tout à fait consommables, parce ce qu’ils ne sont pas “assez beaux”.
Un coup d’oeil dans les rayons des réseaux de distribution classique suffit pour attester de ce tri esthétique.
Les tomates brillent et luisent sous les petites perles d’eau du brumisateur, sont toutes rondes, en grappes de chiffres pairs… Elles s’accommodent de la compagnie des “pommes mannequins”, celles qui n’ont pas une tache et dont la couleur est uniforme ou rien.
Les étals des revendeurs sont lisses et esthétiques, sans disparité, mais surtout sans naturel…
Les fruits et légumes des producteurs, quel qu’ils soient, ne sont pas cueillis prêts à être vendus dans les rayons. Que ce soit celles des pommes, des concombres ou des fraises, au printemps ou en automne, une part variable de ces récoltes ne sont pas vendables et ne finiront jamais sur les tapis de caisse.
Trop petits, déformés, un peu trop matures, trop gros, disgracieux, avec des taches ou des piqûres : ils sont déclassés ; on dit qu’il sont “non-conformes” au cahier des charges. Alors que c’est seulement tout naturel…
L’UE régit la commercialisation des fruits et légumes et impose des règles commerciales plus ou moins contraignantes.
Pour être commercialisés, 100% des produits doivent être classés par calibres d’abord (suivant la taille, le poids, ou le diamètre), et en catégories commerciales.
Ces catégories “classent” les produits de la sorte :
Catégorie extra
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Etiquette rouge | Les plus « beaux » fruits et légumes, exempts de défauts |
Catégorie I
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Etiquette verte | Belle qualité. Quelques défauts possibles |
Catégorie II
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Etiquette jaune | Calibre moins régulier.
Défauts d’aspect possibles |
Catégorie III
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Etiquette grise | Produits abîmés, réservés à la transformation |
Ces règles sont plus drastiques pour une 10aine de produits (malheureusement, cette dizaine de produits normés par ces directives représente à elle seule près de 75% des ventes de fruits et légumes (pommes, fraises, tomates, etc). ). Certains de ces produits ne peuvent pas être commercialisés en boutiques s’ils ne respectent pas un niveau de catégorie ou un calibre. Un grand dam pour le gâchis alimentaire, qui voit des produits standardisés dans les rayons.
En effet, l’une des raisons majeures expliquant cette uniformité esthétique relève des commandes des points de vente donnés aux centrales d’achats et aux grossistes. Ces derniers s’affairent à acheter en gros les fruits et légumes aux producteurs, mais sont restreints par les surfaces de vente (grandes surfaces notamment), à respecter des règles d’achats bien précises. Bien souvent, les centrales d’achats ont pour demande de n’acheter que des catégories « Extra », ou « Catégorie I » et des calibres bien particuliers pour trôner en rayons.
75% des volumes des fruits et légumes sont commercialisés par la grande distribution. Cette même grande distribution, nous l’avons vu, impose de rigoureux critères d’aspect. Ce qu’elle souhaite ? Les plus gros calibres et les plus réguliers, des catégories sans pépin pour satisfaire sa clientèle.
Résultat, les tomates se ressemblent toutes, les carottes sont bien droites et les abricots ont tous la même taille. Et c’est là le problème.
En imposant ces critères d’aspect, la priorité est mise sur l’esthétique, et l’on fait goûter et acheter à l’opinion ce que le beau fait de meilleur. Une priorité douteuse pour un élément aussi essentiel à la santé. Et le bon dans tout ça ?
Ces mêmes normes mettent un point d’honneur à faire oublier aux consommateurs le plus grandes qualité de la nature : la diversité, sa fatalité à l’aléatoire, ses disparités et surprises.
Et enfin, ce n’est pas anecdotique, le niveau d’exigence des cahiers des charges entraîne des pertes plus ou moins importantes lors de la récolte et de la mise en marché, contribue majoritairement au gaspillage et aux déchets insensés et contraignent durement les producteurs.
25% en moyenne des fruits et légumes non commercialisés car ils ne respectent pas les standards, sont destinés aux autres circuits (marchés, vente directe, primeurs, et aux revendeurs beaucoup moins exigeants comme Potager City). Ces circuits vendent alors certaines pertes dues aux méventes pour défauts.
Une infime partie est vendue à la transformation (pour les confitures par exemple), mais malheureusement, une large partie de ces produits restent aussi sur le champ ou sont écartés des tris pour être jetés sans autre solution.
Et lorsque les disparités sont constatées tôt, les producteurs n’attendent même pas la maturité des produits et arrêtent leur processus de culture, s’évitant ainsi de les jeter en fin de course.
Des pertes considérables donc…
Face à une nature et à ses cultures disparates et esthétiquement aléatoires, il s’agirait de ne pas accepter ces choix esthétiques. La boucle de la standardisation de laquelle il faut sortir, a été originalement bouclée pour les consommateurs. A eux, à nous de la délier.
Choisir des points de vente qui ne misent pas tout sur le beau, bien choisir son stand au marché, être attentifs aux initiatives qui rendent leurs lettres de noblesse aux fruits et légumes moches… Les choix se font de plus en plus nombreux pour dire stop.
Nous pourrons par exemple citer le collectif « Les Gueules Cassées », qui proposent aux producteurs de vendre leurs produits habituellement invendables, et de le faire dans les grandes surfaces : moins chers pour les clients, avantageux pour les producteurs et pour les magasins (qui se dessinent une image plus responsable).
Aussi, certaines enseignes (discount souvent), s’attachent moins que les autres aux calibres et aux catégories. Il suffit d’y prendre garde, et de les favoriser.
De notre côté, nous nous engageons aujourd’hui et ce depuis 11 ans, à prioriser sur tout autre critère, le bon et la découverte. Nous nous engageons auprès de nos producteurs à ne pas s’attarder avant le reste sur les critères esthétiques, et nous continuerons à le faire.
Alors, vous nous pardonnerez si vous trouvez parfois des œufs un peu plus petits que d’habitudes, des aubergines amusantes et des tomates rayées. Vous savez maintenant que ce n’est pas le principal.
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