La truffe, diamant noir du Tricastin

Publié le 07 mars 2019

Richerenches, petit village de 700 habitants, situé dans le Vaucluse. A l’entrée du village, un panneau annonce fièrement « Marché au truffes », tous les...

Richerenches, petit village de 700 habitants, situé dans le Vaucluse. À l’entrée du village, un panneau annonce fièrement « Marché au truffes », tous les samedis matins de novembre à mars. Une belle occasion de découvrir le monde mystérieux de la truffe.

On s’avance, curieux, dans la rue principale. Les marchands de fruits confits et de pains d’épices se succèdent et alternent avec les vendeurs de chênes truffiers. Une dizaine d’euros, le chêne de 2 ans, il faudra attendre au moins 10 de plus pour espérer une improbable récolte à condition de l’avoir planté dans un sol adéquat.

Première rue à gauche, la foule, cela doit être par là. Mais là, pas d’étals, juste des voitures garées en quinquonce sur 2 rangées entre les platanes, coffre ouvert. Et puis, un indice qui ne trompe pas, des arômes puissants envahissent le nez. C’est bien là que cela se passe. Dans les coffres, partout le même équipement, une caisse en plastique fermée, une balance, une calculette, papier, stylo. Partout le même manège, 2 ou 3 hommes penchés sur le coffre, quelques personnes qui font sagement la queue « au cul de la voiture ». Des acheteurs potentiels ?

Quand leur tour arrive, ils entrouvrent des sachets en plastique : non pas des acheteurs, mais des trufficulteurs venus proposer leur récolte à des intermédiaires. Un seul coup d’œil suffit au client pour apprécier la qualité du produit en fonction de l’espèce proposée, de leur taille, de leur intégrité et faire une proposition. Les négociations se font à mi-voix dans le plus grand secret et bien sûr la transaction est réalisée en espèces sonnantes et trébuchantes. Le contenu du sachet va rejoindre celui de la caisse en plastique qui s’entrouvre quelques instants et révèle son précieux contenu. Là, c’est le marché des grossistes inaccessibles au particulier qui veut se payer une petite folie, renvoyé, lui, 2 rues plus loin au marché de détail.

Diverses variétés de truffes

S’il existe plusieurs variétés de truffes, ce sont essentiellement 2 variétés qui vont être vendues au marché de Richerenches, tuber melanosporum (encore appelée truffe du Périgord, même si elle pousse en Provence) et tuber brumale. La première est la reine de la fête, la plus recherchée, la plus appréciée des gastronomes pour ses arômes subtils d’humus et de sous bois. La seconde a un goût plus fort, musqué, un goût terreux, voire une certaine amertume, bien sûr, son coût est bien moindre. Mais attention à la fraude, certains petits malins n’hésitant pas à les mélanger ou carrément à vendre l’une pour l’autre à l’acheteur non averti. La vigilance est donc de mise et il faut éviter les achats à la sauvette si l’on n’est pas connaisseur.

La truffe, un partenariat bien orchestré

La truffe est un champignon souterrain qui se développe en symbiose avec un arbre, le plus souvent avec un chêne. Le mycélium de la truffe vas se fixer sur les radicelles de l’arbre dans lesquelles, elle va puiser sa nourriture. Cette étape, la mycorhization se fait si le sol contient des spores de truffe, mais on peut aussi acheter des arbres déjà mycorhizés. La truffe va croître tout au long de l’été pour atteindre de 20 à 50g.

Le chien, un précieux auxiliaire pour le cavage

Point de récolte de la truffe sans chien (le cochon ayant presque disparu). Chaque trufficulteur a le sien, pas besoin d’être un chien de race, les bâtards font aussi bien l’affaire, seules conditions, avoir un bon flair et avoir été dressé tout jeune. Homme et chien, l’un tenu en laisse par l’autre, arpentent les allées (contrairement à ce qu’on peut croire, les truffes ne sont pas au pied des arbres). Le chien flaire, nez au sol, puis s’arrête quand il a détecté l’odeur fatidique, creuse légèrement la terre pour mettre la truffe à nu. Le maître n’a plus qu’à la ramasser et à la mettre dans sa besace. Et comme tout travail mérite salaire, le chien est récompensé, ce qui bien évidemment le motive à continuer sa quête. Les chiens truffiers du Tricastin contribuent ainsi à la récolte d’environ 15 tonnes de truffes par an.

À tout seigneur, tout honneur… la fête de la truffe

Bien sûr, un tel bijou mérité d’être au centre de la fête. À Richerenches, la fête se tient le 3ème dimanche de janvier et commence par la messe des truffes, en l’honneur de St Antoine, le saint patron. La quête y est réalisée en truffes, par les membres de la confrérie du diamant noir qui ont revêtu pour ce faire leur habit. Les truffes seront vendues aux enchères à l’issue de la messe. Le montant des enchères servira à l’entretien de l’église et à la restauration du village.

Le point d’orgue, le repas « truffes »

Impossible de fêter dignement la truffe sans la déguster. Et là, cuisiniers et cuisinières rivalisent de créativité (avec plus ou moins de bonheur) pour la mettre à l’honneur tout au long du repas. Quelques toasts au beurre de truffe pour démarrer à l’apéritif, de la truffe râpée mélangée à du beurre pommade (le gras lui va si bien et sublime ses arômes), un peu de fleur de sel pour le parachever. Puis, en secondes noces, à l’entrée, elle vient relever un hachis de champignons de Paris crémé, elle comble une petite brandade de morue, se marie aussi bien avec le cardon qu’avec le potimarron.

Mais l’un des mets phare reste l’omelette aux truffes. C’est une véritable leçon de patience : il faut abandonner dans un contenant hermétique les œufs, 2 par personne avec 10 à 15g (si on veut être généreux) de truffe par personne pendant 4 jours avant de réaliser l’omelette ou les œufs brouillés. On la retrouve même au dessert en glace, en crème brûlée.

Mais le must, selon moi est son alliance avec le brie, oui, le fromage en forme de roue ! On coupe un triangle de brie en 3 tranches. On intercale le brie avec des rondelles de truffe, là aussi on l’oublie 3 jours au réfrigérateur. On passe très légèrement à four doux avant de servir accompagné d’une petite salade de mâche. Un véritable petit Jésus en culotte de velours ! De quoi bluffer les palais subtils de vos convives !

Alors, n’hésitez plus, faites-vous plaisir, ne serait-ce qu’une fois avec la truffe noire du Tricastin !

Michèle SALORD

Conseillère en nutrition, alimentation et éducation au goût.

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